Conférence sur la féminisation du langage au théâtre
« Elle était une fois une langue émancipée »
Le cycle de rencontres sur les créatrices de la scène contemporaine permet aux élèves du Cours Florent de rencontrer des comédiennes, des autrices, des metteuses en scène, des réalisatrices ou encore des chercheuses qui font l'actualité du théâtre et du cinéma.
Pour cette édition de novembre, nous avons invité Typhaine D (comédienne et ancienne élève), Sarah Pèpe (comédienne, autrice et metteuse en scène) et Eliane Viennot (grammairienne et historienne) pour parler du langage, et plus précisément de la langue au théâtre, une langue vivante, créative et en mouvement ! Un sujet d’actualité, l’écriture inclusive étant au cœur des débats du moment. Comment peut-on jouer avec les mots ? ré-inventer le langage pour écrire sans discriminer ?
En scène ! Voyage en matriarcat avec Typhaine D.
La conférence a commencé par un extrait du spectacle de Typhaine D. Sa particularité ? Il est écrit à « la féminine universelle ». L’autrice et comédienne donne le ton dès les premiers mots : « mes chères conmatriotes, elle était une fois… ». Typhanie nous emmène en matriarcat, dans un monde où on s’indigne que certains osent utiliser le terme écrivain pour parler des hommes écrivaines, et où le mot « professeuse » est bien moins étonnant que « professeur ».
Le langage, un enjeu idéologique
Sarah Pèpe souligne que la langue, telle qu’elle est, est forcément idéologique ! Les concepts modifient forcément la perception que nous avons du réel.
Pour Eliane Viennot, il ne s’agit pas tant de féminiser la langue que de la démasculiniser, car le français été masculinisé au fur et à mesure de l’histoire. La richesse des deux genres est, à l’origine, bien présente dans la structure de la langue. Eliane Viennot préfère d’ailleurs le terme « écriture égalitaire » à « écriture inclusive », car le genre féminin est bien inclus par nature dans la langue française.
Quelques idées pour une écriture plus égalitaire
Parler au neutre (élèves plutôt qu’étudiants & étudiantes) est une fausse solution pour Typhaine D : des études ont montré que lorsqu’on parle au neutre, on pense au masculin ! Quelles pistes envisager alors pour parler des femmes au féminin ?
- Premièrement, abandonner le masculin générique.
- Deuxièmement, normaliser l’usage du point médiant qui fait débat aujourd’hui : il s’agit simplement d’apprendre à l’utiliser pour généraliser son usage.
- Troisièmement, rétablir l’accord de proximité, qui consiste à accorder l’adjectif avec le nom le plus proche. Le masculin ne l’emporte donc plus sur le féminin : on dirait « les terrasses et balcons sont beaux » / « les balcons et terrasses sont belles ». L’accord de proximité n’est pas une invention ! Il a été largement utilisé par le passé (chez Molière, notamment), et s’est perdu avec le temps.
- Quatrièmement, rétablir l’accord de majorité : « les avocates et le juge sont contentes ».
L’art, espace idéal pour réinventer le langage
Comme le souligne Sarah Pèpe « l’art est le lieu pour mettre en place des choses nouvelles quand on en a envie ! ». L’écriture théâtrale est l’occasion d’inventer, de s’approprier les mots. Des artistes comme Renaud ont tordu la conjugaison dans une démarche artistique, Typhaine D. écrit à la féminine universelle, … L’art a un rôle à jouer dans la réinvention de la langue. La conférence s’est conclue sur un encouragement à oser écrire, créer des mots et les mettre en scène. Comme le dit Sarah Pèpe : « Nous avons besoin d’histoires pour créer de nouveaux modèles de société ! ».
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