Portrait de Noémie Carcaud, chargé de cours au Cours Florent Bruxelles
Portrait

Noémie
Carcaud

Noémie, professeure passionnée au Cours Florent Bruxelles.

Campus Bruxelles
Année 2024
professeur

"(...) le talent ne suffit pas. Il faut de la rigueur, de la discipline, une foi et énormément d'implication pour exercer ce métier."

  • Quand as-tu commencé à t’intéresser au théâtre ?

J’ai commencé le théâtre vers l’âge de 12 ans. Je faisais partie d’une troupe de théâtre amateur, le mercredi. Très vite, j'ai senti que je ressentais quelque chose d’unique, de fort sur scène. J’aimais ce que j'appelle "l'endroit du jeu”. Par la suite, j’ai pris l'option théâtre au lycée.

  • As-tu eu un déclic dans ta vie qui a fait naître en toi un intérêt particulier pour le théâtre ? 

Quand j’étais plus jeune, à Nancy, j’allais voir des pièces avec ma mère. J’adorais les créations d’une compagnie nancéenne, 4 Litres 12. Parfois ma mère m’emmenait également voir des pièces de théâtre à Paris. J’ai notamment des souvenirs d’une représentation de Mnouchkine à la Cartoucherie, c’était extraordinaire ! À l’époque, en tant que spectateurs, nous avions la possibilité de voir les acteurs se préparer avant le spectacle : se costumer, se maquiller, c’était fascinant ! Je pense que cet art de la transformation par le biais du déguisement me plaisait déjà énormément. La naissance de mon intérêt pour le théâtre doit se situer à ce moment-là environ. 

  • Quelle a été la suite de ton parcours ? 

J’ai passé des concours de plusieurs grandes écoles de théâtre vers mes 18 ans, mais sans succès...  À l’époque je n’avais pas tenté de rentrer au Cours Florent. J’ai alors intégré une école, LTDP, en Bourgogne, dirigée par Joëlle Sevilla et Alexandre Astier. C’était une école expérimentale de théâtre musical itinérant. Cette formation, très “rock and roll”, a duré un an. Ensuite, dès 19 ans, j’ai commencé à travailler comme comédienne sur une pièce de Molière, Le Médecin Malgré lui. J’ai poursuivi ma formation par des stages durant lesquels j’ai rencontré énormément de gens : des auteurs, des metteurs en scène, des scénographes, des chorégraphes qui m’ont énormément inspirée, tant dans mon travail de comédienne que de metteuse en scène.

  • Comment ces expériences, ces rencontres multiples ont influencé ton jeu ? 

Je pense évidemment à mon stage avec la compagnie 4 Litres 12, que j’admirais depuis longtemps. À la suite de ce stage, j’ai eu la chance d’être embauchée durant 5 ans dans la compagnie. Cette dernière donne une grande place à l’humour et l’imaginaire. Elle travaille aussi avec une exigence particulière dans le rapport du comédien avec son corps et sa voix.  

Cette exigence est directement inspirée des méthodes de l’acteur de Grotowski, célèbre metteur en scène polonais à l’époque de l’âge d’or du festival mondial du théâtre de Nancy. 

J’ai donc appris à exiger une certaine rigueur du corps, tout en restant naturelle et organique. L’organique, cela signifie qu’on ne travaille pas dans la composition mais que l’on part de soi pour jouer : on suit l’instinct, on cherche une grande liberté au plateau, on cherche à être à l’écoute de ce qui nous traverse et on réagit à ce qui se passe autour...

Pour répondre à la question des influences, je dirais que ma méthode est forcément un patchwork découlant de plusieurs rencontres, les 3 plus marquantes étant celles-ci :

· Rencontre 1 : la Compagnie 4 Litres 12 qui a posé les fondations rigoureuses de ma façon de travailler en tant que comédienne et dans ma méthode de jeu ;

· Rencontre 2 : Evgueni Grichkovets et son rapport à l’écriture, qui m’a inspirée sur la façon d’écrire à partir du plateau et a confirmé l’importance de donner une place de créateur à l’acteur qui a aussi une parole ;

· Rencontre 3 : Joël Pommerat, auteur et metteur en scène français, qui dirige les acteurs d’une façon précise et humaine. Lui aussi donne la part belle à l’acteur, qu’il inclut dans son processus d’écriture. Quand il met en scène, il dit toujours “Il faut se parler”. Je trouve qu’il incarne bien le côté humain du théâtre : on traite l’humain, on ne fait pas de théâtre pour se regarder jouer.

  • Quelle est ton approche lorsque tu enseignes ? As-tu une philosophie particulière ?

Je n’utilise pas les mêmes outils que ceux avec lesquels j’ai appris. À vrai dire, je mélange plutôt les méthodes. Ce qui m’inspire, c'est l’idée d’un "acteur créateur". Ce que l'on peut construire à travers ce que l'on est. Je considère l’imaginaire comme un fondement de mon enseignement. 

Je ne commence pas toujours par la même chose. D’abord parce que mon ressenti change et s'adapte en fonction de chaque alchimie de groupe. Ensuite parce que tous les acteurs n’ont pas les mêmes besoins pour se développer.

La première chose qui me vient, c’est que je m’assure toujours que les élèves soient pleinement présents. Si les élèves ne sont pas entièrement impliqués et ancrés, on ne peut pas travailler. Et enfin, je leur explique que le talent ne suffit pas. Il faut de la rigueur, de la discipline, une foi et énormément d'implication pour exercer ce métier.

  • Quel retour as-tu reçu de la part de tes élèves sur tes cours ? 

La bonne cohésion de groupe a été un des feedbacks les plus récurrents de mes élèves et je m'en réjouis. Le théâtre est un art collectif : on ne joue pas seul, on travaille avec les autres, pour les autres.

J'estime que le point de départ de tout projet réside dans la rencontre et la création d’un groupe. Cette démarche peut être compliquée car une classe se constitue de 25 egos qui doivent s'épanouir et s’enrichir mutuellement !

Il ne faut pas perdre de vue que l'une des composantes indispensables en cours de théâtre - et au théâtre en général - est de s’amuser. Il est essentiel de prendre du plaisir. Le plaisir peut être de savourer l’exploration de différentes émotions et intentions. À mon sens, le plateau doit convoquer l’enfance, son énergie et son imaginaire intenses ! 

  • Comment cultive-t-on l’imaginaire ? 

En allant voir des films, des concerts, des expositions, des spectacles, en lisant des livres. Il faut diversifier ses sources d’inspiration, s’en “nourrir” en quelque sorte. L’imaginaire est essentiel parce que si l'on ne peut pas croire, on ne peut pas faire croire. Si un acteur joue sans voir les éléments qui l’entourent dans la fiction qu’il interprète (une fenêtre, le paysage au-delà, …), il ne peut pas emmener son public avec lui.

  • Comment es-tu devenue professeure ? 

J'étais attirée par l'enseignement du théâtre. Je suis donc allée me renseigner sur plusieurs écoles en Belgique, j'ai assisté notamment à des présentations d’exercices ou des spectacles de fin d’études... J'ai manifesté mon intérêt auprès de la direction du Cours Florent Bruxelles car j’avais aimé la dynamique dans ce que j’avais vu. C'est ainsi que j'ai rencontré Julien Lanquetin lors d'un entretien. Il m’a appelée quelque temps plus tard pour me proposer une première classe en 2019 !

  • Qu’est-ce qui te touche dans ce métier et chez tes élèves ? 

Ce qui me touche surtout, c'est la diversité de l’humanité que je croise à l’école. 

Je perçois très fort l’angoisse de certain.e.s de mes élèves, leurs difficultés à se projeter, à rêver leur avenir dans l’époque actuelle qui est très dure...Ce n’est pas facile d’avoir 20 ans, et particulièrement aujourd’hui ! Mais en contrepartie, les questions que cette génération se pose, ce sont des questions que ma propre génération s'est posées seulement vers leurs 40 ans... Donc c’est positif ! Les choix de vie de mes étudiants seront peut-être plus adaptés à qui ils sont réellement. C’est une lucidité douloureuse mais cela ne doit pas nécessairement en devenir une tragédie. 

Et au-delà de ces réflexions… Je trouve que la rencontre avec les élèves est un cadeau. Être pédagogue est très gratifiant !  

  • Adaptes-tu ton cursus aux réflexions que tu évoques ici ?

Pas vraiment. J'enseigne dans différentes années et les sujets que j’aborde changent en fonction des classes. J’aime adapter mes textes et mes exercices à chaque classe. Par exemple, cette année, j’ai demandé aux élèves de troisième année de lister tout ce dont ils ont toujours rêvé de faire sur un plateau de théâtre (jouer, chanter, danser !). Cela permet de les impliquer, d’intégrer leurs envies et leurs élans à ce module que l’on construit ensemble.

Comme autrice/metteuse en scène, je préfère ne pas construire mes spectacles exclusivement autour d’une problématique sociétale. Je n’aime pas raconter quelque chose qui soit déjà visible dans les journaux ou sur les réseaux sociaux. En revanche, j’aime transposer et prendre des formes détournées pour parler du monde, de l’humain... 

Mais avec mes élèves, bien sûr, je propose souvent des textes qui traitent de questions actuelles. Il est tout à fait nécessaire de parler du monde qui nous entoure au théâtre.

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