Conférence à Bruxelles : la scénographie
Ludivine Laustriat, diplômée en Scénographie de la HEAR et actuellement en maîtrise, a dirigé un atelier-conférence autour de la scénographie pour les élèves de Troisième année du Cours Florent Bruxelles, pour les guider dans la création de leurs Travaux de Fin d’Etudes.
Entretien entre nos élèves Marion LONGLUNE et Léa SAUCIN (Promotion VIII), Kevin TAINE et Alinoë SAVARY-KERNEIS (Promotion IV) et Ludivine LAUSTRIAT, scénographe.
Comment définiriez-vous la scénographie ?
- Marion : C’est l’espace dans lequel on évolue en tant qu’acteurice, l’ambiance.
- Kevin : C’est la lumière aussi, la musique, ce ne sont pas que les éléments matériels.
- Alinoë : C’est ce qu’on décide de montrer … ou de dissimuler aux spectateurs et spectatrices.
- Ludivine : La scénographie, c’est des choix de visibles et d’invisibles. Hier j’ai fait une rencontre avec Olivier Marboeuf, auteur et poète très axé sur la question décoloniale. Il parle de la scène de représentation : qu’est-ce qu’on veut représenter par le visible ou par l’invisible, lorsqu’il s’agit d’un travail scénique ? "Ce qui n’est pas" peut en effet faire apparaître des choses, au service de la pièce et du sens.
Quel est dialogue entre scénographie et mise en scène ?
- Marion : La mise en scène, c’est comment on évolue dans l’espace. La scénographie c’est « dans quoi » on évolue.
- Kevin : Oui, la mise en scène correspond aux déplacements, alors que la scénographie c’est ce qui nous entoure à chaque instant en jeu. Et en plus on ne propose pas forcément la même scénographie lorsqu’on aborde une œuvre classique ou une œuvre contemporaine.
- Léa : C’est complémentaire, la scénographie aide à la mise en scène et vice versa.
- Ludivine : On n’évolue pas de la même manière selon les choix opérés en effet ; ce qui lie justement la mise en scène et la scénographie, c’est la dramaturgie. Que raconte-t-on, au-delà du texte, et au-delà de l’interprétation ?
A quel moment dans votre parcours au Cours Florent commencez-vous à aborder la question de la scénographie ?
- Kevin : En 1ère année on ne l’aborde pas trop, on se concentre sur les bases du jeu. En 2ème année avec l’échéance Parcours d’un rôle, on aborde notre travail de scène de manière plus globale, on nous demande d’apporter nos idées...
- Alinoë : C’est à ce moment-là qu’on se questionne sur notre environnement, et ce qu’il apporte au jeu. On se demande si tel ou tel élément, sonore ou visuel, est utile … ou pas.
- Marion : J’ai d’abord envisagé la scénographie d’un point de vue pratique : de quoi j’avais concrètement besoin sur le plateau ? Le travail a été plus loin, et avec une approche plus artistique, avec les Travaux de Fin d’Etudes. Nous avons rencontré Ludivine, qui nous a amené à nous poser la question du sens ; elle nous demandait d’imaginer des sons, des odeurs, des ambiances... Elle sait faire d’un rien un tout !
- Léa : il est vrai qu’avec les TFE, on est totalement autonome. Pendant la période d’écriture, Ludivine nous a beaucoup orientés vers le système D, pour développer nos idées, ou débloquer des choses. Elle nous a aidés à comprendre que tout ce que le public voit doit être nécessaire.
- Ludivine : L’idée est de montrer que, tout en se basant sur un texte, une dramaturgie ou une idée, on peut faire sens à travers l’espace : qu’est-ce que l’image de l’espace va pouvoir raconter du texte ? Cette autre couche de lecture de l’œuvre, va valoriser et jouer avec l’incarnation et la mise en scène.
A quel moment cela intervient dans le process de création ?
- Kevin : J’ai tendance à y penser à la fin, une fois que la mise en scène a bien avancé. A quelques semaines d’un rendu, la scénographie permettra de faire des ajustements.
- Alinoë : Moi, c’est l’inverse ! Je pense que la scénographie peut être pensée au début pour que la mise en scène se crée autour. Tout dépend du point de départ...
- Marion : C’est vrai ! Un objet par exemple va énormément impacter la manière dont on joue, donc le plus tôt on peut se l’approprier, mieux c’est pour le jeu. Ça rajoute de l’instant présent, du concret.
- Ludivine : C’est intéressant d’être au début du projet. Une de mes professeur.es expliquait qu’elle aimait être présente au tout début d’une création, puis très vite s’en éloigner pour s’imprégner du texte, prendre une direction, développer et construire ses idées, pour plus tard arriver à un moment de rencontre entre mise en scène et scénographie.
Est-ce que l’approche de la scénographie a changé votre regard sur les œuvres que vous abordez et découvrez ?
- Marion : C’est maintenant la première chose que je regarde : dans une œuvre tout est important, il n’y a pas que la performance des acteurs et actrices.
- Léa : J’accorde beaucoup plus d’importance aux détails et à ce qu’ils signifient.
- Ludivine : Plus on emmagasine de moments artistiques, plus le regard va être différent. Mes premières références viennent beaucoup de mon enfance, des dessins animés que j’ai vus. La photo m’inspire aussi, et bien sûr le cinéma et le théâtre. A titre personnel, j’essaie un maximum d’avoir un rapport "neutre" à une œuvre que je découvre, pour garder le plaisir immédiat de la "consommation culturelle". Il y a toujours cet œil analytique qui est présent, mais il faut toujours cultiver une curiosité sincère.
En tant que scénographe, Ludivine, travailles-tu dans d’autres domaines que le théâtre ?
- Ludivine : en formation nous avons travaillé la scénographie d’opéra, de théâtre, d’espaces urbains et sur la muséographie. A titre professionnel, je travaille majoritairement dans les domaines du théâtre et des installations/performances. Je dessine aussi beaucoup. J’ai plusieurs projets en cours, notamment nous sommes en reprise de spectacle, Derrière les arbres, du collectif Chien mange chien, pour lequel j’ai fait la création lumière, la régie plateau, et je suis également en jeu. Nous reprenons les répétitions pour organiser une tournée l’été prochain.
Merci à toutes et tous pour cette semaine riche de rencontre !